3. Une découverte révolutionnaire : CRISPR-CAS 9
En 1987, des chercheurs japonais découvrent dans le génome de certaines bactéries des séquences d’ADN d’une trentaine de bases en palindromes, c’est-à-dire répétées plusieurs fois dans l’ADN. Ces séquences sont aujourd’hui appelées CRISPR pour Clustered Regularly Interspace Short Palindromic Repeats (courtes répétitions en palindrome regroupées et régulièrement espacées). Vingt ans plus tard, des séquences d’ADN viral sont identifiées entre ces palindromes. Elles permettent aux bactéries d’identifier le matériel génétique des virus lors d’attaques de bactériophages pour ensuite les détruire. Ce mécanisme de défense est d’autant plus efficace que les séquences d’ADN viral étant dans le génome de la bactérie, elles sont héréditaires et se transmettent de générations en générations.
Bactériophages (en vert) injectant leur génome dans une bactérie Escherichia coli (en jaune)
Lorsqu’une bactérie subit une attaque virale, elle transcrit les séquences d’ADN comportant les palindromes et l’ADN viral. Les ARN messagers correspondants, appelés « ARN guides » se lient aux enzymes CAS et les paramètrent afin qu’elles puissent reconnaître les virus dans la bactérie et les découper grâce à leurs ciseaux moléculaires pour les désactiver.
S’inspirant de ce système défensif bactérien, des scientifiques ont l’idée d’utiliser les enzymes CAS dans le cadre de « chirurgies » du génome. En 2012, deux chercheuses, l’Américaine Jennifer Doudna et la Française Emmanuelle Charpentier, parviennent à reprogrammer l’une de ces enzymes, CAS 9, pour qu’elle puisse identifier des séquences d’ADN non virales ciblées. Aidées par le biologiste moléculaire Feng Zhang, elles tentent d’appliquer ce procédé dans le cadre de la thérapie génique et mettent au point une nouvelle technique de génie génétique révolutionnaire : utiliser l’enzyme CAS 9 pour découper la séquence d’ADN porteuse de la mutation, puis injecter le transgène qui est intégré dans la molécule d’ADN grâce à son système de réparation.
La technique CRISPR-CAS 9 présente l’intérêt de n’avoir recours qu’à une seule protéine, programmée avec différents « ARN guides » selon le gène à découper. CRISPR-CAS 9 est donc un système révolutionnaire non seulement par sa simplicité théorique, mais aussi sa rapidité de mise en œuvre, sa facilité d’utilisation et son faible coût. Son degré de précision inégalé permet aussi de limiter l’apparition d’effets secondaires. De plus, cette méthode peut s’appliquer aussi bien aux cellules bactériennes, qu’animales ou humaines. Elle permet de modifier « à volonté » n’importe quelle séquence d’ADN, de n’importe quelle espèce et ouvre donc de nombreuses perspectives pour la recherche en biologie et en médecine, notamment pour les traitements via thérapie génique de maladies monogéniques telles que la mucoviscidose (due au gène CFTR), de la myopathie (due au gène DMD), de la drépanocytose… D’après le célèbre immunologiste et spécialiste de la thérapie génique Alain Fischer, la découverte de CRISPR-CAS 9 est « du niveau d’un prix Nobel ». Tous ces avantages expliquent certainement la diffusion rapide et massive de ce nouvel outil génétique dans tous les laboratoires mondiaux.
Malgré les nombreux progrès réalisés depuis une dizaine d’années dans le domaine de la thérapie génique et la découverte révolutionnaire de CRISPR-CAS 9, de nombreuses difficultés sur le plan scientifique subsistent, freinant les recherches.


