2. Les différents vecteurs :
des outils encore en développement
Pour transporter le morceau d'ADN ou le transgène jusqu'à l'intérieur du noyau de la cellule, il est nécessaire que celui-ci soit transporté dans un « véhicule », appelé vecteur. Il existe deux grands types de vecteurs : les vecteurs viraux et non-viraux. Quel que soit son type, un vecteur doit répondre à des conditions strictes : intégration durable dans les bonnes cellules, absence de toxicité, absence de réaction immunitaire…
a. Les vecteurs viraux
Les vecteurs viraux sont les plus utilisés aujourd'hui. Un virus est une particule microscopique infectieuse possédant un seul type d'acide nucléique (ADN ou ARN), qui ne peut se répliquer qu'en pénétrant dans une cellule et en utilisant sa machinerie cellulaire. Les virus sont en général des germes pathogènes. Ils ont développé durant des millions d'années des méthodes pour pénétrer à l'intérieur des cellules et y introduire leur matériel génétique. Le génome du virus est entouré d'une structure appelée capside. Le principe des vecteurs viraux est d'utiliser cette fonctionnalité des virus pour introduire dans le génome des cellules cibles le gène-médicament qui va permettre de pallier le dysfonctionnement génétique.
Pour transporter le gène, le virus est rendu inoffensif : on ôte les parties de son génome le rendant pathogène. La capside va donc servir de « véhicule » au gène thérapeutique et le vecteur aura un génome dit « recombinant » (modifié génétiquement).
Il existe :
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des vecteurs viraux non réplicatifs : ils ne peuvent pas se multiplier
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des vecteurs viraux intégratifs : l’ADN du vecteur viral s’intègre dans l’ADN des cellules hôtes.
Parmi ces vecteurs viraux intégratifs, on trouve les rétrovirus, dont font aussi partie les lentivirus. Ils ont pour qualité principale d’exprimer le gène thérapeutique de façon permanente dans le génome des cellules cibles, ce qui n'est pas le cas d'autres virus.
Les vecteurs lentiviraux sont une famille des vecteurs rétroviraux, créés à partir de virus humains comme le VIH (Virus de l'Immunodéficience Humaine) de type 1. Ils sont moins dangereux que les vecteurs rétroviraux et peuvent pénétrer dans les cellules qui ne se divisent pas, comme les neurones.
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des vecteurs viraux non intégratifs : le transgène demeure dans la cellule sans s’intégrer au génome de l’hôte.
Pour faire pénétrer le transgène dans des cellules qui ne se divisent pas, on utilise souvent des vecteurs non intégratifs comme les adénovirus, plus sûrs que les rétrovirus. Le transgène s’exprime alors jusqu’à la mort de la cellule puis disparaît. Les adénovirus peuvent infecter un grand nombre de types de cellules et permettent un niveau élevé d’expression du transgène. Cependant, l'expression du gène thérapeutique n'étant que transitoire, de grandes quantités doivent être administrées. Les adénovirus peuvent également provoquer des réactions immunitaires violentes dans l'organisme.
Certains vecteurs dérivés de virus adéno-associés (AAV) présentent l’avantage d’être peu inflammatoires. Ils sont de plus en plus utilisés, notamment pour traiter l’amaurose de Leber. L’un des deux médicaments de thérapie génique autorisés en Europe, Glybera, utilise d’ailleurs ce type de vecteur.
Adénovirus Cellule hématopoïétique corrigée par transfert de gène
b. Les vecteurs non viraux
Afin d’assurer une meilleure sécurité et de transporter de grandes quantités d’ADN, on utilise aussi des vecteurs non viraux.
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Le mécanisme de la lipofection : on se sert des liposomes, vésicules lipidiques capables de transporter de grandes molécules, pour faire pénétrer le transgène dans la cellule cible par endocytose. Le transgène est en fait associé à des lipides cationiques (molécules de charges positives) qui favorisent son entrée dans la cellule cible.
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Les plasmides. On en trouve dans les bactéries et les levures. En 1990, on découvre que l'ADN plasmidique sans vecteur, "nu", peut être facilement injecté dans certains tissus. Les plasmides recombinés peuvent transporter de grandes molécules et être produits en grande quantité. Lors des divisions cellulaires, le gène thérapeutique est conservé. L'inconvénient de cette méthode réside dans le fait qu'une grande partie de l'ADN des plasmides injectés est dégradé et détruit avant d'avoir pu jouer son rôle.
Schéma de la localisation des plasmides dans une bactérie
Liposome
La pénétration des vecteurs non-viraux dans les cellules reste toujours un problème : il faut au moins 100 000 molécules d'ADN du gène thérapeutique par cellule cible pour qu'une seule séquence parvienne à pénétrer dans le noyau. Une telle concentration pose des problèmes de toxicité.
Chaque maladie génétique requiert un vecteur particulier, ce qui rend la mise au point d'un traitement par thérapie génique beaucoup plus longue et complexe. Récemment, une découverte a bouleversé la communauté scientifique, élargissant grandement le champ des possibilités de la thérapie génique : CRISPR-CAS 9.



