top of page

3.      Des enjeux financiers considérables sources de conflits d'intérêts

 

       Des essais cliniques tels que celui développé précédemment requièrent des sommes d’argent considérables, sur plusieurs années. Les recherches doivent être financées et les coûts sont particulièrement élevés dans le cas de la thérapie génique.

       Afin de réaliser des essais, des investissements considérables sont demandés aux structures de production de lots cliniques de vecteurs. Ils sont dus aux exigences des bonnes pratiques de réalisation et normes à respecter mais s’expliquent aussi par le nombre très limité d'entreprises pharmaceutiques habilitées à en produire. De plus, les essais sur les gros animaux ont un coût très élevé, posant un véritable frein au développement de nouveaux essais. Ainsi, la première thérapie génique autorisée en Europe, Glybera, mise au point par la biotech hollandaise UniQure, coûte 1,4 millions d'euros par patient, soit 53 000 euros par flacon. Glybera, qui devrait bénéficier à 150-200 personnes, permet de contrôler un déficit en lipoprotéine lipase qui provoque des inflammations du pancréas.

      Pour remédier à ces contraintes budgétaires, certains organismes et associations prennent en charge une partie des coûts. Ainsi, l’association VML (Vaincre les Maladies Lysosomales) a soutenu de nombreux essais, dont l’équipe de recherche de l’Institut Pasteur pendant plus de 25 ans, financement qui a abouti il y a 3 ans à l’essai clinique de thérapie génique sur la maladie de Sanfilippo. Cet exemple montre encore une fois l’importance des organismes privés dans ce domaine.

                                             Boîte de Glybera

Couverture du dossier Analyse du Kalorama information sur Glybera. Cette couverture polémique sous-titrée "Est-ce que Glybera va changer le prix des produits pharmaceutiques?" illustre bien le débat suscité par le prix des thérapies géniques.

       Elaborer un traitement de thérapie génique requiert donc un budget considérable, de la recherche à la dernière phase des essais cliniques, puis à la commercialisation du traitement. Ces contraintes économiques et l’importance des ressources financières mobilisées peuvent conduire à de nombreux conflits d’intérêts : entre public et privé, la recherche et l’industrie…

       La thérapie génique, croisement entre génie biologie et médecine, pousse le milieu universitaire à collaborer avec l'industrie et cette dépendance croissante de la recherche biomédicale vis-à-vis de l'industrie ainsi que les bénéficies financiers éventuels découlant de cette collaboration suscitent de nombreuses inquiétudes et incitent à rester vigilants. En effet, dans l'optique de protéger les investissements placés dans le développement du traitement et de chercher à générer du profit, certains groupes ne pourraient-ils pas faire pression sur les patients afin d'obtenir leur consentement pour participer aux essais cliniques ?


       Le risque que les intérêts des grandes sociétés minent l’intégrité scientifique et éthique, particulièrement dans le domaine de la thérapie génique, a été reconnu en 1996. En faisant référence à l'implication d'entreprises de démarrage dans le développement de thérapies géniques, Axel Kahn, célèbre généticien français et officier de la Légion d’Honneur, a ainsi formulé ses inquiétudes: « Certains essais cliniques sans réelles perspectives scientifiques ou thérapeutiques ont-ils été réalisés à la seule fin de sauvegarder la valeur en bourse des actions de certaines firmes ? D’autres fois, la pression médiatique autour de ces essais a probablement expliqué que ces équipes clinico-biologiques passent à l’essai clinique avant que cela ne soit justifié par les essais précliniques. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Axel Kahn

       L’éthique des équipes médicales et des chercheurs et la confiance est donc à mettre au cœur des pratiques à travers un cadre législatif très strict et précis. Ce cadre devrait répondre aux réticences et critiques de l’opinion publique vis-à-vis des thérapies géniques.

© 2017 by E Ansart, C Boire et R Moreau.

bottom of page