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2.      Un exemple de partenariat : l’essai clinique du syndrome de Sanfilippo

       Le syndrome de Sanfilippo est une maladie neurodégénérative rare, incurable, et d’origine génétique. Depuis 2013, suite aux recherches menées depuis plus de dix ans par l'équipe du Professeur Jean-Michel Heard à l'Institut Pasteur (unité Biothérapies pour les maladies neurodégénératives, Institut Pasteur/Inserm U1115), un essai clinique a été lancé pour le traitement de cette maladie via thérapie génique.

       Les maladies neurodégénératives sont des pathologies progressives caractérisées par la perte de neurones situés dans le cerveau ou le système nerveux. Elles entrainent souvent des complications cognitives, motrices ou perceptives et peuvent être mortelles. Leurs origines ne sont pas toujours connues: certaines sont génétiques, d'autres sont dues à des produits chimiques... Mais la plupart du temps, elles surviennent de manière isolée et leurs causes ne peuvent être clairement établies. Si les plus célèbres de ces maladies sont la maladie d'Alzheimer, celle de Parkinson et la sclérose en plaque, il en existe de nombreuses autres.

       Le syndrome de Sanfilippo est dû à une mutation génétique qui affecte les fonctions de digestion et de recyclage du lysosome en occasionnant une déficience enzymatique. Le corps ne parvient plus à éliminer certaines molécules, appelées mucopolysaccharides qui s'accumulent dans plusieurs tissus de l'organisme et deviennent alors toxiques, notamment pour le cerveau. Il existe quatre sous-types du syndrome de Sanfilippo: A, B, C et D, chacun correspondant à une mutation et donc à une déficience enzymatique différente. Selon le sous-type diagnostiqué, la maladie et ses symptômes seront plus ou moins prononcés et sa progression, rapide. Cependant, quel que soit le sous-type du syndrome,  le mode de transmission de la maladie des parents à l'enfant reste le même: il est dit autosomique récessif, c'est-à-dire que le gène en cause est porté par un autosome et que la maladie ne se développe qu'avec la présence de deux allèles mutés du gène, chacun hérité d'un des parents. Les malades sont donc homozygotes pour le gène en cause.

       Les premiers signes du syndrome apparaissent dès 3 ans. Les enfants atteints présentent un retard mental et un handicap physique qui s'intensifient avec la progression de la maladie. Agressivité, hyperactivité, troubles du sommeil, du langage et mouvements brusques involontaires sont autant de symptômes de l'atteinte neurologique, qui entraine par la suite une déficience intellectuelle, une perte de l'audition et une réduction des capacités motrices aboutissant à une perte d'autonomie, vers dix ans. Le syndrome de Sanfilippo se caractérise également par une légère dysmorphie faciale, due à un élargissement de la base du nez. La dégénérescence nerveuse est donc progressive. Elle provoque le décès prématuré des individus atteints entre vingt et trente ans.

       En termes d'épidémiologie, il est très difficile d'établir la prévalence du syndrome de Sanfilippo précisément, cette maladie étant souvent sous-diagnostiquée. Cependant, une étude menée en France entre 1990 et 2006 a permis d'estimer  le chiffre de 0,68 cas sur 100 000 naissances. Plus généralement, le nombre d'enfants atteints à la naissance varie entre 1  et 3 sur 100 000 selon le pays étudié.

 

       A ce jour, aucun traitement curatif ou symptomatique n'a été validé pour la maladie de Sanfilippo et rien ne permet de guérir, contrôler l'évolution de la maladie ou retarder la mort des individus atteints. Néanmoins, il est possible de prévenir et d'atténuer certains symptômes, notamment les troubles du comportement, grâce à certains traitements médicamenteux et les enfants peuvent également bénéficier de séances avec un personnel médical spécialisé concernant les défauts de motricité et les troubles moteurs. Depuis quelques années, des essais cliniques chez l'homme sont en cours pour les sous-types A et B du syndrome ou sont programmés pour les années à venir. Ces essais s'appuient tous sur la thérapie génique, l'objectif étant de supprimer la déficience enzymatique responsable du syndrome en apportant l'enzyme manquante via un vecteur de type viral et à terme, de guérir la maladie.

       Depuis octobre 2013, un essai clinique de phase I/II de thérapie génique concernant le sous-type B de la maladie est entrepris par l'unité mixte Institut Pasteur/ Inserm Rétrovirus et Transfert Génétique (département Neurosciences), dont les recherches portent sur plusieurs maladies neurodégénératives. Cet essai est coordonné par l'Institut Pasteur, le promoteur, ainsi que par l'Inserm, l'AFM-Téléthon et Vaincre les Maladies Lysosomales (VML). Il est mené à Paris, à l'hôpital Bicêtre (AP-HP). Cet essai fait suite à la mise au point en juillet 2011, par l'équipe de Jean Michel Heard, du premier modèle de neurone humain pour la maladie de Sanfilippo. Celui-ci a permis d'étudier les mécanismes cellulaires à l'origine de la maladie et donc d'identifier des axes thérapeutiques.

       Cet essai clinique repose sur la mise au point d'un vecteur viral capable de délivrer aux cellules du cerveau le gène ayant muté chez le patient, l'apport de ce gène devant permettre aux cellules de l'associer à leur ADN pour pouvoir produire l'enzyme faisant défaut. Le vecteur viral a été produit par la société uniQure selon une technologie innovante permettant la production industrielle de lots de grande pureté, rendant le processus compatible avec une utilisation à plus grande échelle. Concrètement, le traitement consiste à administrer au malade plusieurs injections intracérébrales en différentes zones du cerveau. Il a été testé en octobre 2013 sur un premier jeune malade par les professeurs Marc Tardieu (département neuropédiatrie de l'hôpital Bicêtre) et Michel Zerah (pôle de neurochirurgie pédiatrique de l'hôpital Necker-enfants malades). Le très jeune âge du patient, âgé de deux ans et demi, constitue selon les scientifiques et le corps médical, un atout dans les chances de succès de la thérapie. Trois autres enfants ont été progressivement inclus dans l'essai, grâce à la collaboration de VML.

       Il faudra cependant encore attendre plusieurs années avant de pouvoir juger de l'efficacité du traitement, du fait de la nature progressive de la maladie. Cet essai est aussi, de manière plus globale, porteur de grands espoirs dans le domaine de la thérapie génique. En effet, le procédé  employé par les chercheurs, faisant intervenir des cellules souches, pourrait être appliqué pour modéliser d'autres maladies, en particulier dégénératives si le succès de ce traitement se confirme. Il pourrait permettre une utilisation élargie du vecteur, qui  serait alors exploité pour la mise au point d'autres traitements reposant sur le même procédé.

       Cet essai clinique illustre bien l’importance des différents acteurs : des associations privées comme des instituts publics ont contribué au développement du traitement. Sans cette répartition des responsabilités, les progrès en thérapie génique ne seraient sans doute pas si fulgurants.

© 2017 by E Ansart, C Boire et R Moreau.

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