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4.      La thérapie génique : des maladies rares vers les cancers  

 

       Un traitement de thérapie génique peut-il faire partie d’un arsenal thérapeutique tel qu’on le définit actuellement ? Et peut-on l’envisager pour des patients bénéficiant d’une stabilisation de leur pathologie liée à l’administration de traitement symptomatique ?

       Cette question et ce débat peuvent tout particulièrement être appliqués aux cancers. La thérapie génique peut-elle être considérée comme un traitement à part entière, au même titre que la chimiothérapie, la chirurgie ou encore la radiothérapie ?  Serait-elle donc « une arme de plus à la disposition des médecins » ?

       Aujourd’hui, près de 70% des essais cliniques de thérapies géniques sont dévolus à la lutte contre le cancer.

      

       Un cancer est une pathologie d'origine génétique dont le mécanisme est lié à des gènes responsables de la synthèse de protéines servant à la régulation de la division cellulaire. Suite à des mutations, l'activité de ces gènes est modifiée, entraînant la cancérisation et la formation d'une ou plusieurs tumeurs malignes. Une cellule est dite cancéreuse lorsqu'elle a acquis par mutation des caractéristiques particulières: immortalité, perte de fonction et absence de réponses aux signaux cellulaires.

      

Schéma présentant les deux grandes catégories de gènes impliqués dans la cancérisation

       Il existe de très nombreux types de cancers, c'est pourquoi on les détermine en fonction de l'histologie, c'est-à-dire de la nature des tissus cancéreux. On peut distinguer ainsi les carcinomes, les sarcomes et les cancers hématopoïétiques.

       Près de 80% des cancers sont liés à l'environnement : 40 % des décès sont dus à l'alimentation, 30% sont dus à la cigarette. Il existe de nombreux autres facteurs favorisant l’apparition d’un cancer : les agents mutagènes (radiations ionisantes, substances chimiques...), l'alcool, des infections virales… mais aussi tout facteur induisant un déficit immunitaire. Le cancer peut aussi être héréditaire, son origine est alors génétique.

       De nos jours, il existe plusieurs types de traitements du cancer, comme la chirurgie, la radiothérapie, la chimiothérapie, l'hormonothérapie... Mais aussi des thérapies ou biothérapies ciblées telles que la thérapie génique. L'objectif est alors de s'attaquer à un mécanisme propre des cellules cancéreuses (par exemple antiangiogéniques pour lutter contre le développement de nouveaux vaisseaux), ce qui constitue une autre approche pour tenter de guérir la maladie. Ces traitements novateurs sont souvent plus efficaces que les traitements « classiques » et génèrent moins d'effets secondaires. Ils sont souvent utilisés combinés à la chimiothérapie.

 

       Par exemple un traitement de thérapie génique a été mis au point en vue de soigner les cancers des voies aérodigestives supérieures, dont entre 45 à 70% des cellules tumorales présentent des mutations sur le gène p53, normalement impliqué dans la réparation des anomalies du noyau des cellules. 500 000 personnes par an dans le monde sont atteints de ce type de cancer, dont le traitement habituellement privilégié, la chimiothérapie, n'est efficace que chez 30 à 40% des malades. Mais grâce à cette thérapie mise au point par une équipe anglo-américaine, les scientifiques ont l'espoir de voir ce chiffre augmenter dans les prochaines années.

       Le traitement en question a fait l'objet d'un essai de phase II en  2000, concernant 30 patients dont la majorité avait déjà testé la chirurgie, la chimiothérapie et la radiothérapie, sans succès. Le chercheur Fadlo Khuri et son équipe ont mis au point un adénovirus génétiquement modifié, ONYX-015, qui est utilisé comme vecteur et est introduit dans la plus grosse tumeur de chaque patient. L'adénovirus est incapable de se multiplier dans les cellules saines mais peut détruire sélectivement les cellules cancéreuses, qui présentent très souvent des anomalies génétiques les rendant sensibles à l'attaque virale. Pour augmenter l'efficacité du traitement, les patients suivaient parallèlement une chimiothérapie. Grâce à la thérapie génique, 25 des 30 des patients ont vu leur tumeur régresser, 19 patients ont vu leur tumeur régresser d’au moins 50%. Chez 8 d’entre eux, le cancer a totalement disparu et il est également apparu que l'adénovirus semblait rendre les cellules cancéreuses plus sensibles à la chimiothérapie. En outre, seuls 17% des tumeurs ont progressé dans un délai de six mois après le traitement. Quelques patients ont cependant présenté des effets secondaires caractéristiques de l'infection par ce virus (fatigues, fièvre, frissons...). Malgré l'enthousiasme des scientifiques,  il faudra encore mener un essai de phase III avant de pouvoir véritablement juger de l'efficacité du traitement et de ses effets secondaires indésirables. De plus, le traitement fait déjà l'objet de nombreuses restrictions car l'injection est directement pratiquée dans la tumeur. Il est donc adapté aux cancers de type ORL, localisés près de la surface de la peau mais pourrait présenter des risques de toxicité pour des cancers plus difficiles à atteindre ou généralisés requérant des doses plus importantes.

 

Fadlo Khuri

            Ces essais cliniques de thérapie génique dévolus à la lutte contre le cancer élargissent considérablement le champ d’action de cette thérapeutique : les populations concernées sont bien plus importantes que celles des maladies rares et les bénéfices financiers sont bien plus élevés. Ainsi, l’instauration d’un cadre légal et des bonnes pratiques médicales dans les années à venir semblent nécessaires pour assurer la sécurité des patients.

© 2017 by E Ansart, C Boire et R Moreau.

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