3. Les grandes étapes de la thérapie génique
En parallèle des travaux scientifiques permis par le séquençage, on découvre que les virus possèdent également un patrimoine génétique, comportant les mêmes bases azotées que l’être humain. Des connaissances en virologie sont développées afin de comprendre le fonctionnement précis de ces virus et la façon dont ils intègrent leur ADN dans les chromosomes de l’hôte. Les années 80 en particulier sont marquées par le SIDA et le dynamisme des progrès des connaissances en virologie. Le VIH, virus de l'immunodéficience humain s’attaquant aux lymphocytes T et responsable du SIDA, est découvert et étudié dans le monde entier. Les chercheurs pensent alors à utiliser les propriétés des virus dans le cadre d’essais de thérapie génique.
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Dès 1967, Stanfield Rogers introduit des virus du papillome de Shope capables de produire de l'arginase (enzyme dégradant l’arginine) chez deux jeunes filles allemandes atteintes d'argininémie, (accumulation d’arginine dans le sang due à une carence en arginase). Il procède sans contrôle légal et effectue ainsi le premier essai de thérapie génique.
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En 1980, Martin Cline tente de guérir deux femmes atteintes de thalassémie au stade terminal. Ces maladies du sang pouvant être génétiques et héréditaires se caractérisent par un déficit de fabrication de l'hémoglobine. Cette molécule permet de transporter l'oxygène dans le sang. Cline introduit un gène non défectueux codant pour l'hémoglobine dans les cellules de la moelle osseuse des deux femmes. Cline est cependant très critiqué puisqu’il a procédé sans autorisation et sans accord des deux malades.
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En 1990, Steven Rosenberg injecte des lymphocytes T génétiquement modifiés à des patients atteints de cancers. Les essais cliniques sont effectués sur des patients majeurs qui montrent une résistance aux traitements habituels. Les résultats sont prometteurs sur les sarcomes mais plus décevants sur les mélanomes (deux types de cancers).
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En 1990, a également lieu le premier essai légal de thérapie génique, aux Etats-Unis. Les docteurs Steven Rosenberg, French Anderson, Kenneth Culver et Michael Blaese, des National Institutes of Health, tentent de guérir deux petites filles du déficit de l'ADA, une maladie provoquant une absence presque totale de défenses immunitaires. Leurs globules blancs sont prélevés puis injectés avec des gènes sains transportés grâce à un rétrovirus préalablement modifié.
Steven Rosenberg
Ashanti DeSilva et Cindy Kisik avec de gauche à droite French Anderson, Michael Blaese et Kenneth Culver
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A partir de 1999, des équipes de chercheurs de l'Inserm, de l'Université Paris-Descartes et de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris mènent plusieurs essais de thérapie génique sur différents syndromes se manifestant par des déficits immunitaires chez des enfants. Tous ces essais permettent d’aboutir en 2000, à l’Hôpital Necker de Paris à la guérison de bébés-bulle atteints d’un déficit immunitaire sévère, le DICS-X1. Ces travaux sont poursuivis jusqu’en 2010 par des équipes de scientifiques de Necker et du Généthon à Paris et du College of London et du Great Ormond Street Hospital à Londres. Les essais cliniques de thérapie génique prennent alors leur essor et de nouveaux traitements sont testés en vue de guérir d’autres maladies (neurodégénératives, myopathies…).
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En 2004, c’est la première commercialisation d’un traitement issu du génie thérapeutique : le Gencidine, conçu par Shenzhen SiBiono GeneTec en Chine. Il permet de lutter contre les tumeurs chez les personnes atteintes de cancers cervico-faciaux. Chez plus de dix milles patients soignés, aucun ne semble remarquer d'effets indésirables.
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En 2012, le laboratoire uniQure reçoit l’autorisation de commercialiser le premier médicament de thérapie génique en Europe. Glybera® vise à soigner des patients atteints d’une accumulation de particules grasses dans le sang, une maladie rare touchant une à deux personnes sur un million. Ce médicament est injecté par voie intramusculaire. Il marque un tournant en thérapie génique, étant le premier médicament commercialisé sur le marché européen.
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Enfin, en septembre 2016, le Strimvelis du laboratoire anglais GlaxoSmithKline (GSK) reçoit lui-aussi une autorisation de mise sur le marché en Europe. Ce traitement à base de cellules souches s'attaque à une maladie immunitaire génétique rare touchant les enfants.
De nombreux essais et études sont encore en cours et les résultats sont en attente. Les scientifiques s’attendent à de grands progrès au cours de la prochaine décennie et espèrent la commercialisation prochaine de nouveaux traitements.


